Iemoto (家元) fondation familiale. Le terme désigne le fondateur ou l’actuel responsable d’une école d’art traditionnel japonais dont la succession est transmise de façon héréditaire.
Unshin (1861-1916) : 1er Iemoto de 1899 à 1916
Né à Matsue en 1861 dans la famille de potiers Takada, du nom de Fugasoro. Il apprend l’Ikebana de l’école Ikenobō que fréquente son père. À 19 ans, il est adopté par la famille Ohara, de riches marchands qui lui permettent de vivre confortablement sans obligation de travailler. À 27 ans, il s’installe à Osaka, devient sculpteur et prend le nom d’Unshin. Il devient assez célèbre pour que l’empereur Meiji lui achète une de ses œuvres en 1896. Il suit parallèlement l’enseignement Ikenobō et devient un excellent professeur. |
Sa statuette achetée par l’empereur Meiji. | Sa composition Shōka en qualité de professeur Ikenobō (voir le Tachibana, emblème de l’école d’Ikenobō, sur les rideaux). |
Il commence à concevoir une nouvelle façon de pratiquer l’Ikebana qui consiste à « faire de l’Ikebana avec ses pieds ». Pour Unshin, il faut marcher dans la nature, observer les plantes et composer en tenant compte de leur croissance naturelle. Il s’oppose ainsi à la pratique courante des maîtres des différentes écoles consistant à modifier manuellement la forme des plantes pour les adapter aux caractéristiques de leurs modèles.
Exemples de compositions (Seika de l’école Enshū) en vogue à l’époque où Unshin entre sur la scène de l’Ikebana.
Avec les nouvelles fleurs occidentales qui arrivent sur le marché, à l’époque Meiji (1868-1912), plus colorées et à tiges courtes, Unshin ne peut recourir aux schémas des écoles existantes. Il conçoit un vase bas ‘suiban’ dans lequel les végétaux ne partent pas d’un seul point central, comme c’est l’usage, mais d’une zone équivalente à un triangle scalène permettant une disposition plus naturelle. Cette nouvelle forme est appelée ‘Moribana’ (= végétaux entassés).
Cette nouveauté s’oppose aux règles strictes de composition en vigueur dans la dernière partie de la période Tokugawa (= Edo 1603-1868) dont les principales sont :
– L’utilisation de vases hauts (à l’exception du Suna no mono, style Rikka informel moins fréquemment réalisé).
Au 1er plan, exemple de Suna no mono, vase bas dans lequel les végétaux sont insérés à partir d’un seul point de croissance comme dans le Rikka en arrière-plan.
|
Dans le Suna no mono, il est possible de séparer le groupe que l’École Ohara appelle Shu-shi-Fuku-shi du groupe Kyaku-shi puisque le premier représente la partie Yang de la composition et le second sa partie Yin (voir Article 15, Origine symbolique de l’Ikebana : Tao et la construction du Tai-ji).
|
– Le point de sortie unitaire et unique des végétaux doit être aussi bien dans les vases hauts que dans les Suna no mono (vases bas).
– Le choix des végétaux. Il n’est pas possible d’utiliser des espèces et des associations végétales autres que celles prévues par les schémas officiels ni d’utiliser celles prévues en dehors de leur destination officielle.
– La symbolique de l’Ikebana. Il n’est pas concevable qu’un ikebaniste puisse exprimer sa propre personnalité avec des choix autonomes car l’Ikebana doit exprimer l’immuable philosophie cosmique de la relation Homme-Nature-Univers.
Dans le Moribana
– Des vases bas sont utilisés.
– Les végétaux émergent non pas de façon unitaire (comme dans les vases bas du Suna no mono) mais d’une zone de la forme d’un triangle scalène.
– Son exécution permet un acte créatif avec le libre choix des végétaux.
– Des fleurs et des feuilles d’espèces différentes peuvent être associées.
– Les végétaux sont peu manipulés en respectant le sens naturel de croissance.
– Les règles (longueurs et inclinaisons) ne concernent que les trois éléments principaux, Yaku-eda.
En raison de problèmes de santé, Unshin abandonne la sculpture pour se consacrer à l’Ikebana et en 1896, à l’Osaka Art Club, expose les 30 premiers Moribana conçus dans des vases Suiban. Cette exposition suscite des réactions très hostiles de la part des autres écoles. C’est aussi la première fois que le grand public voit en exclusivité une exposition (jusqu’alors, les expositions d’Ikebana se tenaient en privé chez des maîtres ou dans les musées).
À partir de cette date, on parle du style Ohara.
En 1898, Unshin se sépare de l’École d’Ikenobō, fonde la sienne et crée deux types de Moribana :
1) Shikisai-Moribana Shikisai Hon-I (Moribana couleur)
Il y a une liberté de choix des plantes locales et étrangères. Pour des problèmes de coût, très onéreux, ce type d’Ikebana n’est pas très populaire au début.
2) Moribana nature (l’actuel Shakei-Moribana) :
Plus populaire que le Shikisai-Moribana car il permet l’utilisation naturelle et illimitée de plantes japonaises et étrangères et autorise la créativité des ikebanistes.
Les styles pratiqués sont : Chokuritsu-kei (vertical), Keisha-kei (Incliné), Kansui-kei (se reflétant dans l’eau) et Kasui-kei (Cascade). Le style Kasui-kei, conçu à l’origine pour le Heika, est réalisé dans la forme Shikisai-Moribana mais pas dans la forme Moribana nature (Shakei-Moribana).
Les dimensions des plantes et leurs inclinaisons ne sont pas encore codifiées.
Koun (1880-1938) : Fils de Unshin, 2ème Iemoto à partir de 1916.
Fils d’Unshin, Koikiro travaille d’abord comme vendeur de coton puis dans une banque. À l’âge de 25 ans il commence à apprendre l’Ikebana à l’École Ikenobō pour ensuite poursuivre le travail commencé par son père. Il prend le nom de Koun et en 1906, avec son père, réalise sa première exposition. Devenu Iemoto à la mort de son père et mettant à profit l’expérience acquise en tant que vendeur et banquier, il donne une impulsion à l’école Ohara qui devient la plus moderne et avant-gardiste de l’époque.
|
Il est le premier à :
– Donner des cours à de grands groupes (alors que les autres écoles gardent encore l’art secret, le passant de professeur à élève seul).
– Écrire sur l’ikebana dans les journaux.
– Donner des cours à la radio.
– Former des enseignantes.
– Penser que l’ikebana ne doit pas appartenir à une élite.
– Faire des expositions dans les grands magasins et autres écoles.
– Définir son école « du goût populaire ».
– Introduire les termes Principal, Deuxième et Troisième élément (= Shu-shi, Fuku-shi et Kyaku-shi).
– Codifier les dimensions et inclinaisons du Shikisai-Moribana (Moribana couleur).
– Codifier le Shakei-Moribana Yoshiki Hon-I (paysage traditionnel) basé sur la perspective : vue de près, à mi-distance et au loin.
– Codifier les règles du Moribana et du Heika.
– Introduire la couleur dans le Shikisai-Moribana Yoshiki Hon-I (paysage traditionnel).
– Introduire l’habitude de faire des démonstrations en réalisant les compositions de l’arrière.
En 1938, il est remplacé par son fils Yutaka, qui prend le nom de Houn.
Houn (1908-1975) : fils de Koun, 3ème Iemoto partir de 1938
Il poursuit le perfectionnement du Moribana et du Heika. En 1953, il introduit les styles Céleste et Contrasté (arrangements classés depuis 2000 dans les formes Hana-isho). Au début des années 60, il introduit le Bunjin-Cho Ikebana et le Rimpa-Cho Ikebana. En 1973, il crée le Style Narabu-Katachi (arrangement classé depuis 2000 comme Hana-isho). En 1974, il crée le Shohinka.
Il est le premier à faire des voyages et à participer à des manifestations à l’étranger (1961 à Rome et en Amérique du Sud). C’est à cette occasion que Mme Banti entre en contact avec l’école Ohara. |
Natsuki (1949-1992) : fils de Houn, désigné 4ème Iemoto après sa mort prématurée en 1992 (avant son père). Il crée l’arrangement Hanamai en 1985 qui reste inchangé mais il est incorporé aux formes Hana-isho de la nouvelle classification de 2000.
À la mort de Houn en 1995, la direction de l’école est assurée par la fille de Houn et la sœur de Natsuki, Mme Wakako, jusqu’en 2011 date à laquelle Hiroki, fils du défunt Natsuki, devient majeur. |
Hiroki (1988 -) : 5ème Iemoto, fils de Natsuki et petit-fils de Houn.
À l’âge de 6 ans, en 1995, il devient le 5ème Iemoto. Il est représenté alors par sa tante Wakako Ohara jusqu’à sa majorité et en 2009, à l’âge de 21 ans, il assume pleinement son rôle de Iemoto. Comme il est de tradition lorsqu’on prend la direction de l’école, Hiroki Ohara crée son propre arrangement en 2011 : Hana-Kanade, littéralement Mélodie de fleurs en tant qu’offrande à Bouddha. Il se peut qu’Hiroki se soit inspiré de la composition Hanamai créée en 1985 par son père Natsuki. |