L’ère Meiji débute avec une « occidentalisation à marche forcée » et tout ce qui est japonais, y compris l’Ikebana, devient impopulaire et remplacé par ce qui vient de l’étranger.
L’empereur Meiji avec des femmes nobles
Empereur Meiji, très jeune, en habit traditionnel |
L’empereur Meiji avec sa femme et son fils.
Une immense composition florale occidentale est mise en évidence. Il est intéressant de noter que, malgré l’occidentalisation évidente, les schémas culturels japonais se maintiennent. Le «nouveau s’ajoute à l’ancien, au lieu de le supplanter». |
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L’empereur Meiji en famille. Les hommes sont positionnés à gauche de la table centrale tandis que les femmes à sa droite. La gauche est considérée comme plus importante puisque Yang, masculine, tandis que la droite, moins importante, est Yin, féminine. La Kami Amaterasu, déesse du soleil, dont descend la famille impériale, est né de l’œil gauche de son père Izanagi. Remarquez l’arrangement floral occidental. Sur la table il y a trois objets qui rappellent les trois objets sacrés ‘Mitsu-Gusoku’ : encensoir-bougeoir-Ikebana (Voir Article 13, La naissance de l’Ikebana d’après les documents historiques) mais leur distribution est occidentale. La composition florale occidentale (associée au féminin) remplace l’Ikebana et est placée du côté (Yin/féminin) des femmes tandis que le bougeoir et l’encensoir, considérés comme des « objets masculins » sont du côté des hommes. |
Vêtements, vase, instrument de musique, motifs décoratifs de tissus, meubles, sol : tout est occidental. |
Remise de diplômes dans une école de « décoration » florale occidentale. |
Le dernier Shogun Tokugawa | |
En tenue de cérémonie japonaise. | Dans des vêtements occidentaux. |
Dans certains anciens rescrits impériaux (actes administratifs), il est prescrit que les femmes doivent être «de bonnes épouses et de sages mères». L’Ikebana fait partie des devoirs qui caractérisent cet idéal de la femme.
Avec le rescrit impérial sur l’éducation de 1890, le gouvernement introduit l’enseignement de l’Ikebana uniquement dans les écoles de filles car en Occident, le commerce des fleurs est une activité uniquement féminine. De nos jours, certaines écoles enseignent l’Ikebana aux élèves mais l’essentiel de l’enseignement se fait dans des clubs périscolaires.
L’École Ohara, née en 1895, est la première à introduire l’utilisation des fleurs « étrangères » et le style Moribana.
© École Ohara |
Sous la devise «Ikebana hors du Tokonoma», de nouvelles tendances se forment selon lesquelles la révolution culturelle conduit à voir l’Ikebana comme un art qui «doit s’adapter aux temps nouveaux». Les plantes sont associées à d’autres matériaux en créant un arrangement libre, Jiyu-Bana.
En 1930, le «Manifeste des nouveaux styles d’Ikebana» paraît. Le passé de l’Ikebana avec ses styles (Kata), ses concepts philosophiques, ses restrictions sur l’utilisation des plantes est rejeté. L’utilisation libre des contenants, les formes libres et le sentiment d’être en phase avec la vie moderne sont proclamés. Les arrangements ont une forte connotation artistique «occidentale» dans lesquels l’ikebaniste laisse «la marque de sa propre personnalité».
La vision traditionnelle de l’Ikebana avec toutes ses contraintes « artificielles » imposées, comme le fait de toujours placer les plantes au premier plan, est une représentation de la Nature comme résidence des Dieux. À cette période historique une nouvelle vision s’affirme, traitant les plantes comme des « choses ou objets » pouvant être manipulés (d’un point de vue occidental) comme des « choses » sur lesquelles l’artiste occidental imprime sa personnalité. L’Ikebana se banalise, se transforme en un passe-temps artistique simple basé sur une vision occidentale de la Nature.
Dans un écrit de 1950 intitulé «l’Ikebana d’avant-garde», Shigemori Mirei déclare : « Il faut se débarrasser de l’idée que c’est la nature ou le végétal qui constitue le matériau de base de l’Ikebana, sinon on n’arrivera jamais à faire de l’Ikebana un art au sens plein du terme (………). Le végétal n’est rien d’autre qu’un morceau de matière isolé qui, en soi, n’a ni sens ni contenu (…). Il n’y a qu’à voir des lignes, des couleurs et des masses dans les végétaux».
Il est important de rappeler que ces mouvements artistiques parlant de l’Ikebana-objet sont aussi une réponse «politique» pour forcer à un changement de mentalité dans la société.
À partir des années 1960, certaines écoles refusent de réduire l’Ikebana à un objet et donnent à la matière végétale une valeur en créant le concept d’‘Ikeru’, «faire vivre les fleurs». Elles soulignent la différence entre la matière solide et les végétaux «vivants» et recentrent l’Ikebana sur la dimension vivante des plantes et non plus seulement sur leurs formes, volumes et couleurs. Au cours de cette période historique il y a de grands changements, diverses écoles d’Ikebana apparaissent ou disparaissent. Actuellement, parmi les nombreuses écoles, trois d’entre elles sont considérées comme les plus importantes :
L’École Ikenobō « modernise » ses techniques et les styles et garde la plupart de leurs élèves.
L’École Ohara crée le Moribana dont le style est intégré dans le programme de toutes les écoles d’Ikebana.
L’École Sogetsu, créée par Sofu Teshigahara en 1927, se veut être en rupture avec le classicisme des deux autres courants. Elle introduit un style inspiré d’une conception sculpturale et basé sur une plus grande liberté d’expression.
Ces trois écoles restent, à ce jour, les plus importantes et populaires au Japon :
Ikenobō : École la plus traditionnelle, conservatrice. En plus du Moribana, elle enseigne toujours le Rikka et le Shōka dans ses versions «classique» et «moderne».
Ohara : École à mi-chemin entre l’Ikenobō traditionnelle et la «moderne» Sogetsu.
Sogetsu : École la plus «moderne» mêlant des végétaux à d’autres matériaux et laissant beaucoup de place à la subjectivité de l’élève.