La Paille
Dans les premières compositions Tatebana réalisées dans de grands vases comme le montre cette peinture chinoise du XIVe siècle ci-contre, des herbes ou autres petits végétaux sont probablement utilisés pour soutenir les végétaux.
Dynastie Yuan ou vase japonais en bronze, avec lotus, daté 1330. |
Dans le Tatebana et le Rikka, premières formes codifiées d’Ikebana, le vase dans lequel les végétaux sont insérés est rempli de paille, appelée ‘Komiwara’, afin d’assurer le maintien vertical des plantes comme le nom des compositions l’indique (Voir Article 54, Évolution de l’Ikebana dans la lecture des Kanji).
Ci-contre arrangement Rikka. |
Les différents végétaux ne sont pas insérés directement dans le Komiwara.
Comme on peut le voir sur ces croquis, les branches sont attachées à des bâtons pointus puis sont embrochées dans la paille. Les fleurs et les feuilles sont insérées dans des contenants réalisés avec de cannes de bambou remplis d’eau servant ainsi de « vases » et dont une partie des cannes dépasse le bord du Komiwara. |
Croquis des points d’insertion dans le Komiwara des éléments principaux et auxiliaires, en tout une quarantaine.
|
Exemple actuel de construction d’un Rikka
Avec le passage du Rikka aux arrangements plus simples des Shōka/Seika réalisés « directement » avec moins de végétaux, un ‘Hana-Kubari’ est introduit. C’est une fourchette en bois en forme de Y réalisée en attachant deux morceaux de branche ou en coupant une branche fourchue.
Le morceau de branche perpendiculaire placé à l’arrière du Hana-Kubari sert à enfermer les végétaux dans la fourchette.
|
Exemple de Seika avec cinq branches de pin numérotées et leur position dans le Kubari.
Il convient de noter que la subdivision de la composition en partie Yang (branches végétales 1, 2 et 3) à gauche et en partie Yin (fleurs végétales 4 et 5) à droite, est maintenue un niveau de l’insertion des branches simples dans le Kubari.
|
Les compositions Moribana dans des bassins déjà en usage sont beaucoup plus rares que celles réalisées dans des vases.
Il y a deux versions : 1. Shu-shi-Fuku-shi et Kyaku-shi tous unis en un seul groupe. 2. Shu-shi-Fuku-shi regroupés et séparés du groupe Kyaku-shi.
Avec la diffusion de cette nouvelle façon de disposer les végétaux introduite par l’École Ohara et après les résistances levées, toutes les écoles adoptent des supports créés pour être placés dans un suiban. |
Exemple de support utilisé au début de l’introduction du Moribana. |
Shippo
Apparition du shippo ensuite. Les deux Kanji du mot Shippo signifient « 7 joyaux ». |
Le nom Shippo, comme support, vient de trois significations différentes :
1ère signification. Pour le bouddhisme, Shippo indique sept valeurs spirituelles associées à sept joyaux qui les représentent. Ils sont répertoriés dans divers sutras. Étant donné que les différents noms sanskrits ne sont pas toujours compréhensibles par les traducteurs chinois, les noms des « 7 joyaux » diffèrent dans les différents sutras. Les Joyaux et les valeurs spirituelles communes à toutes les listes sont :
Sept joyaux | Sept valeurs spirituelles associées | |
1. Or
2. Argent 3. Aigue-marine ou lapis-lazuli ou turquoise, 4. Perles ou ambre ou cristal 5. Corail blanc ou agate 6) Perles de corail ou rubis 7) Ambre ou émeraude ou agate ou jade |
1. Trésor de croyance
2. Trésor de vertu 3. Conscience 4. Altruisme 5. Écoute 6. Générosité 7. Sagesse |
2ème signification. À l’ère Heian, même si ni le chiffre 7 ni les joyaux répertoriés dans les sutras n’apparaissent pas dans le dessin chinois parvenu au Japon, il est aux yeux de la noblesse japonaise « brillant comme un joyau, comme un bijou ». Le dessin appelé ‘Shippo’ basé sur l’intersection de cercles est considéré comme d’un «bon présage ».
Le motif des cercles entrecroisés est considéré comme un porte-bonheur car il peut se multiplier à l’infini, dans toutes les directions. Il est utilisé à la fois dans les motifs de tissu et comme amulette.
Certains auteurs prétendent que le nom du dessin vient du jeu de mots : ‘Shi-ho’ = quatre directions. |
||
Amulette de la période Heian | Tissu |
Shippo dessinés sur le kimono d’une vendeuse itinérante, Musée Chiossone, Gênes. |
Tsuba en forme de Shippo (sur une arme japonaise, et notamment le katana, la garde s’appelle tsuba). | Bouton d’uniforme. |
Acteur de kabuki 1849 |
- 3ème signification. Le nom Shippo signifie aussi « Cloisonné », nom français d’une technique (utilisée notamment en joaillerie) consistant à couler de l’émail fondu coloré dans de petites alvéoles, alvéoles suggérées par l’intersection des cercles du Shippo.
Broche chinoise décorée de cloisonnés. | Tsuba orné de motifs de Shippo porte-bonheur. |
Motif de Shippo comme arrière-plan de l’estampe.
Yoshima Gakutei vers 1890.
|
Boîte en forme de Shippo. | Boite à nourriture. |
Il est intéressant de voir le dessin du Shippo présent sur les tissus qui recouvrent les murs de cette fresque de Giotto.
|
Sol en mosaïque de l’époque romaine (IVe siècle après J.-C.) trouvé en 1955 lors d’une fouille sur la Piazza Duomo à Parme. |
Kenzan
Le Kenzan, peu utilisé par l’école Ohara au début mais plus facile d’utilisation que le Shippo, est désormais le support de toutes les compositions basses à l’exception des compositions « traditionnelles » (Shakei-Moribana Yoshiki Hon-I et Shikisai-Moribana Yoshiki Hon-I) où le Shippo reste obligatoire.
Fidèle au dicton japonais – le nouveau s’ajoute à l’ancien sans le supplanter – le Kenzan rappelle, dans une tonalité moderne, le concept des bottes de paille du Rikka où les tiges de paille sont remplacées par des pointes de fer.
Kenzan en forme de Shippo avec deux ou trois anneaux
|
Mors de chevaux
D’autres écoles traditionnelles d’Ikebana (comme Enshū, Misho, Koryu) utilisent encore des supports végétaux, mais de moins en moins du fait de leur difficulté d’utilisation ou encore des mors de chevaux dont on a répertorié au moins 50 formes standardisées différentes.
|
Autres supports
Supports en forme de tortue ou de crabe ou utilisation d’objets du quotidien tels que des ciseaux ou des éventails
Le charbon de bois
Il est surtout utilisé pour absorber principalement l’humidité (par exemple, dispersé en grande quantité dans les maisons traditionnelles) ou pour absorber les mauvaises odeurs dans les cuisines mais rarement comme support en Ikebana. |
Lors de la cérémonie du thé, le charbon de bois utilisé par l’École Koryu pour chauffer l’eau est disposé selon des règles précises. Le type de charbon de bois appelé Ikeda-zumi (charbon Ikeda) produit par la carbonisation du chêne est particulièrement apprécié tout comme celui appelé Kikyo-zumi (charbon de chrysanthème) en raison de sa forme particulière qui rappelle la fleur.
Les morceaux de fusain servent également de support à de petites compositions, comme en témoigne ce tableau d’un anonyme, daté de 1665, représentant une courtisane insérant de petites fleurs dans trois morceaux de Kikyo-zumi. |
Exemples d’utilisation actuelle du charbon de bois comme support visible d’un Ikebana dans des compositions libres.
|
|
Keita Kawasaki, Mami Flower Design School. | Toshiro Kawase. |